présentation

la petite histoire de ce projet…

 En 1995, l’envie de découvrir la ville et le monde de Satyajit Ray nous conduit une première fois à Calcutta, nous sommes alors en repérage pour un projet de film documentaire sur sa vie et son oeuvre. Le voyage est initiatique : nous avons le privilège de rencontrer les acteurs, les techniciens, ses amis et collaborateurs les plus proches. Sandip Ray, le fils de Satyajit, nous accueille dans la maison familiale, nous donne son feu vert pour la réalisation du documentaire et nous fait visiter la pièce de travail de son père…Le temps semble s’y être suspendu…Ray est mort depuis 3 ans mais son aura imprègne chaque recoin de la pièce…le privilège est incroyable: pendant trois jours, nous avons accès à tous ses manuscrits, scénarios originaux ( ses fameux red books ), partitions, croquis, photos de famille…cal96 sandipcal99 tourbnage pièce ray

En 1997, alors que nous séjournons à Calcutta pour approfondir nos recherches et pour effectuer un premier tournage, nous rencontrons le photographe Nemai Ghosh.Nous connaissons son nom bien sûr, Cartier-Bresson le surnommait le ‘photo-biographe’ de Ray. Effectivement, Nemai Ghosh l’a suivi comme son ombre, et a chroniqué pendant 25 ans son exceptionnelle vitalité artistique.  En 1968, arrivé presque par hasard sur le tournage d’un film de Ray avec un appareil photo trouvé sur la banquette arrière du taxi, c’est comme hypnotisé qu’il sent ses doigts glisser doucement vers le déclencheur. Revenant quelques jours plus tard sur le plateau pour montrer quelques-unes de ses photos, Satyajit Ray le félicite et constate qu’ils partagent tous les deux le même angle de vue ! Nemai frissonne…Ray l’invite à prendre des photos du tournage de son film…la vie de Nemai bascule…

Nemai Ghosh nous invite chez lui, et nous découvrons son trésor vertigineux : Nemai a photographié Satyajit Ray 90.000 fois. Il garde ses photos précieusement chez lui. Sa maison est alors en chantier : il tente péniblement de les protéger de l’humidité en installant l’air conditionné.cal99 nemai travaux Nemai Ghosh nous raconte sa vie passée dans l’ombre de son modèle. Son témoignage ressemble à une véritable confession. Nous lui demandons s’il accepte de collaborer avec nous sur ce projet.”Yes, this is the last thing I do for Manikda” nous dit-il. A partir de ce moment Nemai nous accompagne pendant les repérages et sur les tournages, Grâce à lui, nous rencontrons du beau monde: nous interviewons le grand réalisateur Mrinal Sen, l’immense Soumitra Chatterjee, l’acteur fétiche de Ray, la sublime Madhabi Mukherjee,  Depankar Dey, Sarmila Tagore, Mamata Shankar, le chef opérateur Soumendu Roy, etc…

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cal99 soumitra nemai taxi cal99 nemai soumenduNemai consacre alors tout son temps et son énergie pour nous aider à accomplir notre projet. Pour lui, ce film semble alors représenter un ultime acte de foi qui transmettra aux générations futures les fruits d’une vie entière consacrée à celle d’un autre.

Le film est né de cette rencontre : alors que nous nous préparions à réaliser un documentaire somme toute ‘classique’ sur Satyajit Ray avec des interviews et des extraits de films, notre projet prend un autre tournant : Nemai Ghosh a suivi Satyajit Ray pendant 25 ans : nous imaginons alors un film qui nous ferait pénétrer dans l’intimité de l’un des plus grands cinéastes du 20ème siècle à travers une histoire singulière  : l’obsession démesurée d’un photographe pour son seul et unique modèle, l’amitié silencieuse entre un artiste génial et son observateur privilégié. Nemai devient le personnage principal de notre film, c’est à travers son histoire que la stature de Ray va se dévoiler…cal96 nemai toit interview

Mais nous devons nous faire violence…Cette nouvelle orientation du film a des conséquences immédiates et tragiquement concrètes : dans le montage final, nous n’utiliserons donc pas le fruit des premiers tournages, ces dizaines d’heures d’interviews exclusives et de rencontres fascinantes avec la famille, les amis, les acteurs, techniciens et collaborateurs les plus proches de Ray…

aujourd’hui

la version ‘officielle’ du film existe, c’est un film fragile certes, il a le mérite d’exister car il a aidé à sortir Nemai Ghosh de l’ombre et aura révélé son travail à un public plus large, mais nous ne l’avons jamais considéré comme sa version définitive, tant notre mémoire est encore saturée des émotions accumulées pendant les premiers tournages…C’est un sentiment de ‘trop peu’, de travail inachevé…L’envie nous vient alors de donner vie à ce trésor endormi, l’envie de partager toutes ces interviews et témoignages intenses. Nous contactons le producteur pour récupérer les bandes originales, mais pour des raisons obscures celles-ci ont disparu…Au fond de notre grenier nous retrouvons heureusement une valise qui contient des pâles copies sur VHS …Toute la matière est bien là, mais les cassettes ont mal vieilli, les images sont saturées, certaines sont irrécupérables, le son est le son témoin caméra…la valise copyMalgré une immense amertume de savoir que les bandes originales ont été négligées et d’avoir ainsi perdu le fruit d’un long travail, nous nous décidons à conjurer le sort et nous nous replongeons dans ces images tournées il y a presque 20 ans…La qualité d’image et du son est excécrable, mais nous retrouvons l’intensité des interviews et des échanges humains, le contenu est toujours aussi puissant et n’a pas pris une ride…

Nous sommes aujourd’hui au début d’un long travail de dérushage, et nous digitalisons petit-à-petit tout ce qui nous semble intéressant à partager avec ceux qui de près ou de loin sont attirés par l’univers des films de Satyajit Ray… La matière est livrée brute, il n’y a pas de travail de montage, le parti pris est de diffuser les interviews in extenso, avec claps et perche à l’image… C’est le début d’une longue plongée en apnée, il y a plus de 120 heures de rushes…MANIKDA.SPACE est un work in progress arborescent, et vous découvrirez des nouvelles pépites à chaque fois que vous nous rendrez visite…

bo van der werf et filipa cardoso

( New Delhi, novembre 2015 )

Ce projet est dédié à la mémoire de Nemai Ghosh, en remerciement pour sa confiance, sa gentillesse, sa générosité et son immense humanité. Durgaa Durgaa!

Nemai Ghosh ( 1932-2020 )photo : Syamantak Chattopadhyay / facebook

remerciements :

la grande majorité des images que vous découvrirez sur ce site n’apparaissent donc pas dans la version finale du film : elles ont été tournées entre 1997 et 1999. Ces deux premiers tournages furent chaotiques, et l’équipe technique aura été d’une patience infinie avec notre inexpérience. Ce projet leur doit beaucoup : merci Alexandra Afonso, Aline Blondiau, Eline Kirschfink. Merci surtout à Marie Spencer qui aura partagé ce projet dès sa germination et nous aura encouragé à l’accomplir envers et contre tout…cal99 filipa xana bo nemai

cal96 nemai filipa marie scouting

La quasi totalité des images qui ont été utilisées dans le film ont été tournées en 2005, avec une équipe technique réduite. Sébastien Koeppel était alors notre chef opérateur. Il se fondait littéralement dans les lieux de tournage, et son empathie avec les gens qu’il filmait était impressionnante, son regard était sensible et sa poésie imprègne les images. Ca aura été un plaisir et un immense privilège de pouvoir travailler avec un tel artiste. Ce film lui doit beaucoup. Merci également à Masood Akhtar et Sreyashi Sen pour leur assistanat pendant le tournage de 2005.

Enfin, ce projet rend hommage à toutes ces magnifiques étoiles de la galaxie Ray qui nous ont gentiment reçus et qui se sont généreusement impliqués dans le projet initial : rendre un hommage chaleureux à Manikda, ‘cet arbre immense au milieu des forêts indiennes’. Merci à Madhabi Mukherjee, Soumitra Chatterjee, Mrinal Sen, Chidananda Dasgupta, Sarmila Tagore, Soumendu Roy, Sandip Ray, Mamata Shankar, Depankar Dey, RP Gupta, Buddhadeb Dasgupta, RP Gupta,Samik Bandhyopadhyay, Soumendu Roy, Sandip Ray, …

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cal96 nemai sur son toit

(photos : filipa cardoso)

 

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